A bord du Français, aux côtés de Lazare : « Nous étions tous navigateurs, aventuriers, explorateurs ! »
Il y a des sorties qui vous marquent à jamais. Le peintre officiel de la Marine Ewan Lebourdais a embarqué mi-avril aux côtés des « Colocs de Lazare », à bord du Français affrété par Grand Voilier-Ecole. Entre Brest et Saint-Malo, il y a vécu bien plus qu’un convoyage.
C’est comme s’il avait des œillères, qu’il ne percevait pas ou faisait mine de ne pas voir ces sans domicile fixe à la sortie de son bureau cossu de la rue de Siam à Brest. Comme s’ils n’existaient pas. « Davantage par impuissance que par manque de coeur » concède-t-il. Mais un jour, le photographe de mer découvre l’existence de Lazare, l’association mêlant sous le même toit famille inserée et homme ou femme arraché à la rue. « Pas de différence entre des jeunes actifs et des gens qui sortent de la galère, au contraire, que des synergies ! Chacun paie son loyer, chacun joue sa gamme là aussi. Les courses se font ensemble, les repas également. Des familles entières font ce choix de vie ! » s’enthousiasme-t-il en regardant les vidéos vivifiantes de Lazare.
« Je vous présente des Colocs merveilleux »
Lorsqu’il prend connaissance de ce pont, de ce lien du possible entre deux mondes qu’a priori tout oppose, il cherche à apporter sa pierre à l’édifice. En tant que partenaire de Grand Voilier-Ecole, Ewan Lebourdais suggère d’embarquer les « Colocs de Lazare » à bord du trois-mâts le Français. L’idée fait mouche auprès de l’association. L’appareillage a lieu samedi 15 avril au départ de Brest, en direction de Saint-Malo.
IIs se prénomment Paco, Tuum-Tum, Baptiste, Christian, François… « Ces deux jours et cette incroyable nuit passée au large d’Ouessant, nous étions tous navigateurs, aventuriers, explorateurs ! ». Photo Ewan Lebourdais, peintre officiel de la Marine.
Le voyage commence à l’intérieur, aux confins d’une frontière qu’il imaginait inaccessible.
« J’ai fait des rencontres incroyables. Nos échanges ont été géniaux » écrit-il au retour de mer. « Alors je vous présente des Colocs merveilleux. Ils se prénomment Paco, Tuum-Tum, Baptiste, Christian, François… ». Sous les étoiles d’un ciel sans lune, ils se sont dit des choses, ont partagé des émotions. « On est tous arrivés à Saint-Cast, près de Saint-Malo, avec la banane ! ».
« Les yeux des SDF, autrefois perdus dans la rue, s’illuminent à présent sur le pont d’un trois-mâts » griffonne-t-il sur son carnet de voyage. « Des yeux qui puent la mer, des rides qui racontent les galères… ».
Il ajoute à son retour de mer : « Dans le creux de leurs yeux, on lit toutes leurs histoires, leurs peines, leurs souffrances, leur vie de désespoir. Mais dans cette oasis de paix et de solidarité, Ils retrouvent un peu d’espoir pour leurs destinées. Leurs yeux sont le miroir de leurs âmes meurtries, Mais ici, ils découvrent une nouvelle vie. Entourés de jeunes actifs et d’amitiés sincères, Ils commencent à retrouver la force de vivre, d’aimer, de se reconstruire ».
Ambiance de nuit. Le trois-mâts Le Français progresse dans la pénombre et le Chenal du Four. L’aventure nocturne peut commencer. Photo Ewan Lebourdais, peintre officiel de la Marine.
Solitaires repentis, marins sans le savoir
Il a attendu la lumière couchante derrière Ouessant, pour les photographier, comme ils sont, sans artifice. Les mêmes rides que les marins sont apparues, sillons creusés d’une vie menée à la dure, sur d’autres océans de solitude. Le photographe a révélé ces solitaires repentis, ces « gueules de mer, marins sans le savoir. « Ils sont nés à la mer pendant ce voyage ! » résume-t-il.
« Merci à vous les Colocs, car mes yeux, à moi aussi, voient différemment ! » abonde le photographe.
Ils ont connu d’autres océans solitaires... Burinés comme de vieux loups de mer, les Colocs de Lazare se sont délectés de ces deux nuits passées à bord du Français, grâce aux associations Lazare et Grand Voilier Ecole. Photo Ewan Lebourdais, peintre officiel de la Marine.
Au retour de ce chemin de mer
De part et d’autres, les oeillères ont sauté, le mur invisible de la honte et de la gêne entremêlées a cédé, quelque part, au large de la Bretagne. « Ces deux jours et cette incroyable nuit passée au large d’Ouessant, nous étions tous navigateurs, aventuriers, explorateurs ! » s’exclame Ewan Lebourdais, enthousiaste et bouleversé, au retour de ce magnifique chemin de mer.
Le grand voilier sort de la rade de Brest. Direction Saint-Malo après deux jours de mer. Photo Ewan Lebourdais, peintre officiel de la Marine.
Stéphane Jézéquel, GVE
FAIRE NAVIGUER DES JEUNES
D’HORIZONS DIFFÉRENTS
Contact
D’HORIZONS DIFFÉRENTS - Cluster Maritime Français, 47 rue de Monceau, 75008 Paris.